Le blé de population, ode à la diversité

Pour aller plus loin dans notre engagement écologique, notre prochaine bière sera brassée avec des blés de population, bios et cultivés à 60kms de la brasserie.

Pour toutes nos bières, les malts, l’ingrédient principal, sont bios et français. Pour aller plus loin, nous allons brasser notre nouvelle bière blanche avec des blés de population, toujours bios, et cultivés cette fois à 60kms de la brasserie.

 

Aussi appelés blés paysans, les blés de population sont des mélanges de différentes variétés anciennes semées dans le même champ pour encourager la biodiversité. L’opposé de la standardisation née de la course au rendement.

 

Les variétés regroupées dans le mélange que nous utilisons : Talisman, Concorde, Blé des Vosges, Odessa, Prince Albert, Chiddam, Dattel et Rouge de Bordeaux.

La sélection de variétés adaptées aux caractéristiques des sols et aux besoins des clients de la filière est logique dans tout projet agricole. Au cours du 20e siècle, cette sélection s’est faite dans un premier temps pour assurer l’autosuffisance alimentaire, notamment au sortir des deux guerres mondiales. Elle s’est également faite dans le cas du blé pour répondre aux besoins de la filière boulangère qui s’industrialisait : on a fini par produire un nombre très restreint de variétés, avec pour principal objectif d’être adapté aux demandes de rendement et aux contraintes de la panification industrielle : des blés très productifs et pouvant être pétries facilement et de manière très uniforme par des machines. Au fil du temps, une variété unique dans un champ sert un objectif unique pour la filière, et appauvrit la biodiversité, les sols et les équilibres naturels. On oublie la spécificité des sols selon les régions et les climats, et tout ce qui n’est plus apporté aux sols par la biodiversité doit être apporté par ailleurs, via des produits phytosanitaires.

Je suis loin d’être un spécialiste de ces sujets complexes, mais j’y ai été sensibilisé grâce à des échanges avec les membres du réseau Agro’file, notamment les frères Gamé à Thénisy. Le sujet est passionnant ! Pour aller plus loin, le réseau des Semences Paysannes est une ressource très intéressante, et différents articles, dans Le Monde ou L’Express, présentent bien les enjeux des blés de population pour la boulangerie artisanale.

Souvenir d'un jour de moisson à la Ferme du Chaillois, juillet 2020

On parle bien de blé et non de malt de blé. Quelle différence ?

Le malt est le résultat de la transformation d’une céréale, en général de l’orge. On fait germer la graine par trempage puis on procède à un séchage dont l’intensité va avoir un impact sur la couleur et le goût de la bière, d’un malt clair à un malt torréfié pour des bières brunes et noires, en passant par des malts caramélisés. Orge et blé sont utilisés par les brasseurs depuis toujours. L’orge est devenu la céréale du brasseur pour diverses raisons : le blé était prioritaire pour l’alimentation humaine pendant les périodes de famine. Aussi, son fort contenu en protéine notamment en gluten le rend très apte à la formation de pain mais complique le brassage de bière : quand on fait de la bière avec du blé exclusivement, le moût a tendance à colmater : on finit avec un porridge géant, alors qu’on voudrait avoir un jus de céréales prêt à fermenter ! Les bières brassées à base de blé sont celles qu’on appelle communément « blanches », avec souvent un trouble naturel venant justement de ces protéines de blé.

Le fait de transformer la céréale en malt avant de l’utiliser pour le brassage permet de libérer des enzymes qui vont permettre une bonne conversion de l’amidon en sucre et permettre la bonne fermentation. Dans notre cas, le fait d’utiliser des céréales non maltées ne vient pas d’une volonté mais d’une contrainte : le maltage nécessite, pour être fait avec constance, des volumes de production qui dépassent nos capacités à aujourd’hui. Pour faire malter ces céréales très spécifiques, un grand malteur exigerait un semi remorque de grain alors que nous en utiliserons moins de 100kg par brassin !

Même pour un malteur artisanal notre quantité de départ resterait faible, et comme il n’y a pas encore, à notre connaissance de micro malteur près de chez nous, on devrait faire un aller retour à notre grain vers une micro-malterie : arbitrage compliqué ! Nous préférons donc utiliser du blé non malté, même si cela réduit la proportion que nous pouvons utiliser. 10% pour cette bière blanche : c’est un début !

 

Je me souviens que dès 2014 on se renseignait sur les possibilités de malter nos propres céréales locales. 

Cela semble facile, mais la mise en place de filières agricoles locales et vertueuses nécessite beaucoup de soin, de patience et de détermination. Il faut accepter de commencer par des petits pas pour construire un édifice pérenne, porteur de sens et créateur de liens.

Semblables mais tous différents!

 

Notre blanche au blé de population sera disponible courant juin, à la pression uniquement ! Le blé lui conférera une belle fraîcheur, et le blé de population une typicité qui rendra la bière de chaque nouvelle récolte unique : semblable, mais différente : notre ode à la diversité.

 

Deck & Donohue est une entreprise à mission. Nos bières sont brassées à 100% à base de malts bios et français. Notre mission intègre l’aide à la transition agro-écologique et l’encouragement au développement de filières locales. N’hésitez pas à me contacter pour échanger sur ces thématiques : thomas@deck-donohue.com.

Thomas Deck
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