On aime les bières qui ont du sens et qui résistent au temps. On aime la beauté du “simple”, loin des effets de mode et des surenchères. On apprécie ces styles parce que pour nous une belle bière, c’est une bière qu’on prend plaisir à boire, à reboire si le cœur nous en dit. Des bières discrètes, toujours équilibrées et plaisantes à boire. On aime aussi ces styles justement parce qu’ils sont parfois décriés : pour certains une bière légère ou “simple” serait une bière “industrielle”, et l’artisanat nécessiterait un goût explosif pour s’imposer; pour nous, c’est tout le contraire: c’est dans la finesse et la quête d’épure que va s’exprimer le vrai sens du travail de l’artisan.
Cela fait plus de quinze ans que je suis pris de passion pour les bières fumées. En 2003, étudiant à Strasbourg, je m’étais donné pour défi de goûter deux nouvelles bières chaque jour. Et un jour, la bière du jour était la Schlenkerla Rauchbier Märzen, sûrement la plus connue des bières fumées aujourd’hui.
Je n’avais jamais rien senti ou goûté de pareil: une intensité fumée riche, extrême, au nez, une finesse, une fraîcheur délicate en bouche. Schlenkerla est une brasserie historique située dans le centre de la ville de Bamberg en Bavière, capitale des bières fumées. Un an plus tard je partais pour un voyage initiatique à Bamberg: la malterie Weyermann, les multiples brasseries de la ville, et l’expérience du déjeuner chez Schlenkerla, sur de longues et conviviales tablées avec tout le registre de la généreuse gastronomie bavaroise, et la fraîcheur, l’équilibre et la pureté de deux bières, la Märzen et la Weizen, brassée à base de blé et plus légère.